Quasi-usufruit, la loi de finance vient de mettre un terme à certaines stratégies d'optimisation fiscale

La loi de finance 2024 récemment adoptée vient de sonner le glas de la déductibilité fiscale de la créance de restitution des nus-propriétaires dans le cadre des donations démembrées de sommes d’argent.

Le contexte juridique : le pendant au quasi-usufruit : la créance de restitution comme outil d'optimisation fiscale

Dans le cadre des opérations de démembrement de propriété, celles portant sur des sommes d'argent présentent plusieurs particularités détaillées dans le Code civil dans son l’article 587 qui précise que :

« Si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution. »

Le Code civil institue dans ce texte l’obligation à l’usufruitier de biens consomptibles (en général d’une somme d’argent) l’obligation d’en restituer l’identique à l’extinction de son droit (le décès dans le cadre d’un démembrement viager).

Dans le cadre successoral, cette obligation du droit civil constitue en pratique une dette, à déduire de la masse successorale (attention, la matérialité de cette dette doit être démontrée par un acte opposable à l’administration).



De l’obligation de restitution issue du quasi usufruit à la dette déductible au niveau des droits sucessoraux

 
Le défunt était usufruitier de biens consomptibles, se trouve débiteur d’une créance de restitution en application de l’article 587 du Code civil. Cette créance, qui résulte de la loi et non de la volonté du défunt, n’entre pas dans le champ d’application de l’article 773 2° du Code général des impôts. Elle est donc déductible de la succession de l’usufruitier.

Le montant de la créance ou de la dette correspond aux liquidités dépendant de la succession soumise effectivement à l’usufruit du conjoint survivant.

Il est alors recommandé en pratique de faire une convention de quasi-usufruit pour constater l’assiette effective du quasi-usufruit. Le bulletin officiel des impôts (BOI-ENR-DMTG-10-40-20-20) ajoute : « Les dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées ne sont déductibles de l'actif successoral que si elles ont été consenties par un acte authentique ou un acte sous seing privé ayant acquis date certaine avant l'ouverture de la succession autrement que par le décès d'une des parties contractantes. ».
 
 

Le Quasi-usufruit, une pratique d’optimisation fiscale devenue trop courante pour l’administration fiscale

 

La mesure n’étant pas l’apanage commun de tous les hommes, de nombreux praticiens se sont engouffrés dans cette voie avec des montages trop ambitieux pour laisser l’administration fiscale insensible.
Nous sommes ici dans le cadre de donation de sommes d’argent dont le donataire s’est réservé l’usufruit. Sur ce sujet le comité de l’abus de droit fiscal (CADF) s’est prononcé systématiquement en défaveur partielle des positions défendu par  l’administration.

Dans différents cas, la recette fiscale souhaitait démontrer la fictivité de la donation et l’abus par l’objectif uniquement fiscal de l’opération par :
  • L’absence de dessaisissement par la donatrice des fonds transmis et donc une absence d’intention libérale dans l’acte de transmission,
Sur ce point, le comité désavoue l’administration en ayant une lecture littérale de l’article 587 du code civil et lie l’existence de la dette de restitution à la constitution du quasi-usufruit.
  • L’absence, de mention, dans l’acte de donation, de références bancaires précises permettant d’identifier le capital transmis et, d’autre part, de clauses prévoyant l’information des nus-propriétaires sur l’utilisation et le remploi des fonds.
Sur les modalités de constitution de cette dette ne sont en elles-mêmes pas de nature à prouver sa fictivité, l’absence de sûreté permettant de « sécuriser » a été réalisé conformément à l’article 601 du code civil. Le comité ajoute que « les modalités d’exécution des obligations de la donatrice et non à l’existence de ces obligations, n’impliquent pas, par elles-mêmes, que la donation serait fictive »
En revanche le comité, admet que le démembrement ne peut porter sur une chose absente le jour du décès du quasi usufruitier et reconnait la fictivité de l’acte à proportion de sommes manquantes à cette date.
 

La loi de finance 2024 : la fin du quasi-usufruit dans les stratégies optimisation fiscale successorale

 

Les débats parlementaires se sont tenus au Sénat et une proposition d’amendement soutenue par le gouvernement a été retenue.

 

L’article 774 bis du Code général des impôts : un nouveau dispositif encadrant la pratique du quasi-usufruit dans le calcul des droits de succession

 

Le nouveau texte adopté, nouvel article 774 bis du CGI, régit la déductibilité des dettes de restitution de l'actif successoral dans le cadre des successions, en particulier lorsqu'il s'agit de dettes portant sur une somme d'argent dont le défunt s'était réservé l'usufruit.

En voici les points clés de ce nouveau dispositif légal :
  • Principe de non-déductibilité des dettes de restitution : les dettes de restitution exigibles qui concernent une somme d'argent dont le défunt s'était réservé l'usufruit ne sont pas déductibles de l'actif successoral.
  • Limitation de la portée : Toutefois, cette règle ne s'applique pas aux dettes de restitution contractées sur le prix de cession d'un bien dont le défunt s'était réservé l'usufruit, à condition que ces dettes n'aient pas été contractées principalement à des fins fiscales. De plus, elle ne s'applique pas aux usufruits résultant de l'application d'articles spécifiques du code civil.
  • Perception de droits de mutation : La valeur correspondant à la dette de restitution non déductible donne lieu à la perception de droits de mutation par décès dus par le nu-propriétaire. Ces droits sont calculés en fonction du degré de parenté entre le nu-propriétaire et l'usufruitier au moment de la succession ou de la constitution de l'usufruit.
  • Exceptions à l'application de certaines règles fiscales : Certains articles du Code civil liés à la liquidation des droits lors de la succession ne s'appliquent pas à la valeur des sommes d'argent dont le défunt s'était réservé l'usufruit ni à celle des biens dont le défunt s'était réservé l'usufruit du prix de cession.
  • Imputation des droits acquittés lors de la constitution de l'usufruit : Les droits payés lors de la constitution de l'usufruit sont imputés sur les droits dus ultérieurement par le nu-propriétaire, sans possibilité de restitution.
  • Application temporelle : Les dispositions de la loi s'appliquent aux successions ouvertes à partir de la date de promulgation de la loi,

Les conséquences de ce texte sur les opérations de démembrement et le calcul des droits de mutations par décès futur

Le texte semble donc vouloir se cantonner à la situation de donation de sommes d’argent, en lui retirant sa déductibilité fiscale dans ce cas précis.
Le texte en revanche ne semble pas concerner les cas où le quasi-usufruit est constitutif d’une option successorale démembrée par le conjoint survivant. De même demeurent déductibles les créances de restitution issue d’un remploi de capitaux démembrée.

Il nous faudra attendre les précisions de l’administration pour connaitre la portée exacte à donner à ce texte, pour autant les situations suivantes de quasi-usufruits semblent pour le moment exemptés :
  • Des clauses bénéficiaires des contrats d’assurance vie stipulant une propriété démembrée,
  • Lors des cas de distribution des réserves d’une entreprise dont la propriété est démembrée,

 

Le quasi-usufruit offre une opportunité stratégique pour optimiser la gestion patrimoniale par la mise en place une planification optimale.
Mais nous continuons à naviguer dans un paysage juridique complexe. En comprenant ses implications et en mettant en œuvre des stratégies judicieuses, les individus peuvent maximiser les avantages financiers tout en restant conformes aux exigences légales.

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